AVRIL 2013
C'est d'Amman que j'écris.
Il n'y a pas la place d'écrire. Il n'y a pas de place pour faire de photos. L'espace manque autant que le temps. C'est le champ nécessaire pour établir des plans qui fait défaut.
Pourtant, je contemple souvent la ville depuis Webdeh le matin tôt avant de partir. Quelque soit la lumière, quelque soit la distance à laquelle apparaissent les collines d'en face, le même sentiment m'envahit. Je prétends à chaque fois puiser un hypothétique bonheur qui est une illusion ; l'exotisme ne procure que des mirages. Je devrais plonger dans la ville, j'en suis incapable, pétrifié par le soleil qui projette des fantômes comme des ombres sur ce voile de béton qui me regarde. Le murmure de la ville et les appels successifs à la prière sont le chant des sirènes. Je préfère rester assis, sanglé par des inquiétudes passagères qui m'assurent une immobilité parfaite.
Et puis les sirènes se sont tues. Elles se sont mues en silences intérieurs. Je suis parti. J'ai suivi des traces comme on traque des odeurs. J'ai touché les frontières, le Jourdain, seul fleuve de la taille d'un ruisseau, dont la largeur détermine la distance qui sépare Israël de la Jordanie. Le Yarmouk, au nord, qui recueille les pluies du Golan qui le domine coule fort. C'est pour effacer les traces d'une guerre toute proche et encore fraîche. L'accès au fleuve est permis. Le calme est presque dérangeant.
J'ai fait demi-tour, je me suis terré dans des mers de sable en roulant droit devant. Le travelling latéral qui aurait pu enregistrer cette course m'aurait scruté en pointillés. Les dunes alternaient avec ma voiture japonaise medium size. Les châteaux omeyyades et les oasis me tournaient le dos. Je regardais pourtant la route bien en face, et je crois que pour la première fois j'ai saisi ce qui échappe à la facilité de l'inconnu. Il y a deux possibilité, ou je commence connaître ce pays ou bien je progresse dans l'osculation minutieuse de l'interprétation du réel. Dans les deux cas, c'est une bonne nouvelle.
// Appel à la prière \\
In Dinawerke — Tova Ben-Zvi
Shoot Shoot — Stuck in the Sound
Teardrop — Massive Attack
Retrograde — James Blake
Big Love — Fleetwood Mac
One Girl / One Boy — !!!
Für Hildegard Von Bingen — Devendra Banhart
Jubilee Street — Nick Cave and The Bads Seeds
On the Beach — Chris Rea