AVRIL 2012
Le ciel gris m'a enfin parlé quant à la toute fin du mois les hirondelles volaient haut au dessus du square Villemin, traçant des courbes et des méandres dans la pluie tendre. Nina Simone glissait sur la platine neuve et lisse. Du vent dans les cheveux face à cet écran, pianotant.
L'été latent prenait son temps. Nous attendions le soleil pour mesurer l'albédo de cette ville humide et glacée, nous attendions des gradins de rayons tandis que le thermomètre dégringolait. Nous ne savions pas encore que le peu de chaleur salvatrice viendrait d'un nouveau président amphibie qui serait bientôt investi.
Avril était assorti au temps. Les questions en cascades tournaient autour de réponses qui ne venaient que pas-à-pas, ponctuant chaque silence entre les tictac du temps qui passe. C'était le tube de dentifrice qui un jour est vide sans que nous ne nous soyons vraiment rendu compte qu'il se vidait.
Je me suis rendu compte que la sensation unique de prendre un avion que j'éprouvais alors à chaque embarquement s'estompait peu à peu. Comme si les couloirs aériens qui survolent les Alpes devenaient habituels. Oui, le Mont-Blanc est à gauche, là, dessous… et alors ?
Quand j'hérite de la place du couloir, je ne plonge plus dans une tristesse infinie assortie d'un torticolis, je pense presque que celui-là prime sur celui du hublot : on peut étaler ses jambes, on sort plus vite à l'arrivée comme je maudis ce privilège confortable. Je finis par regarder au-dessus de l'épaule de mon voisin, me punis de ne pas avoir insisté à l'embarquement et comprends enfin comment naissent les séries inintéressantes en photographie (celles qui priment trop souvent sur celles dignes d'intérêt) : elles émergent dans l'ennui comme carcan d'un certain manque de curiosité qui oblige à contempler le paysage défiler en se donnant de bonnes raisons de ne pas décider, ou en se donnant une chance de pouvoir décider au hasard, sans but, en restant surtout du bon côté de la rambarde. Contempler peut être agir si le regard n'est pas qu'un prétexte.
J'ai toujours mon Leica sur l'épaule mais je fais moins d'images.
Je ne sais pas si je deviens de plus en plus sélectif ou si je consacre mon regard aux commandes qui m'intéressent de moins en moins.
Une campagne c'est pourtant passionnant. Tellement passionnant que Jean-Luc M. m'a demandé de partir dans une verve élevée et explicite. Son "dégage!" impératif était une résistance. Une voix intérieure qui s'adressait en creux à lui et presque en bosse à moi. Je suis resté, il est parti sans heurt.
Je resterai encore un peu à faire des commandes. A ne pas décider de mon sujet et à donner la main à mes commanditaires pour m'envoyer à l'aventure sur des chemins de traverse où je ne peux exprimer un style qui finalement n'a peut-être pas d'autre vérité que l'expression elle-même.
Pour conclure ce furent les castagnettes de Miles qui, clinquantes, appelaient au farniente de dimanche après-midi et à regarder la nuit tomber sur un jardin sans vue depuis un intérieur garni de moquettes marron et de mobilier 60's où la baie vitrée sur laquelle se plaque le reflet du décor devient la ligne d'horizon. C'est une image inattendue qui apparaît puisque aujourd'hui est un samedi comme un dimanche.
En avril, ce n'était pas l'envers, c'était le décalage, juste à côté de ces pompes-là que j'ai enfin rechaussées à l'endroit.
Voilà, mai arriverait, puis juin, puis juillet, un jour l'été. Les choses suivaient leur cours insensé, je veux dire qu'elle n'ont que de sens celui que nous prenons la peine de leur donner.
:::::\\\\Ça Sonne!///:::::
Nina Simone — Mr. Bojangles
Miles Davis — Teo
Battles — Wall Street (Gui Boratto Remix)
Michael Jackson — Get On The Floor
Patti Smith — Changing The Gards
Timber Timbre — Lonesome Hunter
Carolina Chocolate Drops — Why Don't You Do Right?
Meshell Ndegeocello — Crazy and Wild
Bad Cream — Lyrics Born
Paul McCartney & Linda McCartney — Monkberry Moon Delight
Miles Davis — Concierto De Aranjuez (Adagio)