DECEMBRE 2011
En décembre les gouttes de pluie se transforment en lames de rasoir acérées. Elles sont sensibles juste sous les yeux. Les cernes peuvent être lourdes, mais la peau tendue par la bise qui fend Sebastopol est si fine que chaque impact s’immisce sous le derme. Une larme de vent s’évapore. Le vent coule depuis les yeux. Comme il est bien souvent matériel, si le chagrin devient du vent, cette métaphore ne parle plus que de sublimation.
En décembre Sebastopol est un rail qui relie deux rives. Noir de monde, gris de pluie, la nuit les feux déroulent le bitume synchrone. En journée, jamais le soleil n’éblouit, bas et filtré par l’hiver aveugle, jamais nous ne dépassons notre ombre, nous remontons vers le nord. La Gare de l’Est est un phare. Le tumulte du trafic est une régate en dériveur. Je joins les deux bouts dedans quand la nuit gronde dehors.
La lumière qui baisse est la bande son du mois. Comme un long fade-out vers des fêtes inutiles : je n’ai pas besoin de fabriquer d’amour en toc.
Décembre est la résultante d’une année chargée, il est le temps des bilans. Comme il sera le temps de ne pas se résoudre à des résolution déjà dépassées en janvier. Tout est en ordre et le cycle qui surpasse le grégorien n’est que l’échos des événements passés.
Des cathédrales entières se sont effondrées, laissant apparaître le sol à nu, des arbres déracinés dans un tumulte immobile. Les racines étaient sous nos pieds. Mes pieds nus sentaient la terre, les mouvements ne s’opéraient plus que par la pensée. Nul besoin de dépenser des watts inutiles pour trouver le confort cotonneux originel. Si le sol se défile je resterai là, pendu par le fil intérieur de la pensée au dessus de toutes ces abîmes infinies sans gravité.
Vous êtes sur la photo comme je disparais. Je suis le sujet invisible et je ne saurai jamais ce que vous pressentais. Vous êtes invisible et je garde le secret de ces images car je ne saurais pas en parler. J’emploie le pluriel singulièrement pour m’adresser aux instances qui préside à chacun de mes gestes.
Comment vous le dire? Pour vivre avec les autres il faut d’abord être bien avec soi. Je n’ose le prétendre pour justifier quoi que ce soit. L’équilibre apaise, c’est un bel indice. Je suis comme ce fil, d’aplomb. Cabossé et droit dans mes bottes de sept lieux, je regarde cet édifice qui n’existe pas, qui n’existera jamais. Il est le temps, le vent, le soleil et les embruns, tout ce qui ne se matérialise pas en un instant. Je pourrais dire “ça a été”. D’un ton juste, je préfère écrire : cela sera.
///Les douze coups de minuit\\\
John Lennon — Mother
Alain Bashung — Noir De Monde
Wovenhand — Cripplegate (Standing On Glass)
Dexter Gordon — I Guess I’ll Hang My Tears Out To Dry
Vismets — Normal Life
Gorillaz — To Binge (feat. Little Dragon)
Baxter Dury — Claire
Pavement — Shady Lane
Ike & Tina Turner — Workin’Together
Jon Spencer Blues Explosion — Do You Wanna Get Heavy?
White Label — I Don’t Know
John Lennon — God