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JULIEN MIGNOT — PHOTOGRAPHE
23 mars 2012

JANVIER 2012

Ce 2 janvier il faisait un temps marin à Paris. Je regardais les vagues de nuages parvenus de l'ouest s'assagir et laisser place à l'azur dégagé par les vents d'occident d'un hiver qui sentait le printemps. Ce promontoire de la Rive Gauche balançait entre le silence et les bourrasques qui s'engouffraient dans l'allée, droit au sud, mêlant ce va-et-vient las avec les croassements des corbeaux, les échos de la ville et d'enfants qui supportaient la fin des vacances d'hiver.
Le transat de la terrasse me rappelait cette image d'Elliot Erwitt où deux touristes anglais à Cannes ou à Nice sont comme expulsés de leurs assises entre deux images. Le ton pastel du dossier était sans doute normand, les couleurs délavées du tissu me parlaient, j'entendais Marguerite comme on attend la mer qui ne viendra jamais, elle présidait à l'impératif du voyage.

En janvier j'aurai pu tenir un magasin de souvenirs avec le stock que libère un déménagement consenti.
Ce qui est mort ne vieillit plus. Tout est resté figé là dans ces tiroirs où l'on laisse le temps s'arrêter délibérément. Il s'agglutine, se concrétise, devient des strates, des plaques stockées dans des cartons à fond rugueux. Ces plaques insolentes se révèlent à la lumière qui les libère de leur silence inconscient. Nous compilons en vieillissant essentiellement l'imaginaire de ce qui serait si… Ces aspérités sont des carrefours que nous fléchons contextuellement. J'ai choisi la direction de l'introspection. Sans détourner mes yeux, j'ai regardé des avions atterrir sur le toit d'en face plus tranquillement que dans une pub Air France, dans un ciel plus bleu et plus haut qu'un fond imaginé. Ces avions sans fumée dans un ciel azuré n'avaient de limite que le cadre factice d'une fenêtre sur l'infini. En me penchant, par dessus le garde corps j'ai remarqué que la piste était une peau qui reflétait ce toi.

Des avions madrilènes joignaient les deux bouts. Debout devant ma fenêtre je projetais d'atterrir en douceur. Quelques allers-retours ne changeraient rien. Je trouvais que le temps passait doucement ici. Où que je sois.

Emménager demande certaines qualifications, notamment celle d'équilibriste en terrain inné, ainsi qu'une force de mutation apte à sauvegarder le principal, le présent. Il s'agit de semer des petites pièces de soi pour accaparer la suite. En janvier j'ai planté des graines qui hiberneront, puis pousseront bientôt bien plus haut que moi. Quand je ne vieillirai plus non plus. Quand nous aurons amortis la chute des âges sur le tapis de souvenirs que l'on prête dès lors à l'avenir.


— LA GALERIE DU MOIS —


/////   Coups de semonce  \\\\\

Youth Lagoon - 17
Devendra Banhart - Carmensita
Pixies - Hey
Prince - When Doves Cry
The Gun Club - Lucky Jim

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JULIEN MIGNOT — PHOTOGRAPHE
  • Publie régulièrement dans les journaux tels que Libération, Vox Pop ou Le Monde. Photographie la musique, très souvent en version scène ou portrait, en résident à Pleyel ou en passant à la Cigale. Vous verrez surtout ici tout le reste...
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